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même si, un jour, ses appointements montaient au chiffre inespéré de quatre mille francs. Au fond, c’était la médiocrité intolérable du petit employé, aussi désastreuse que la misère noire de l’ouvrier, la façade fausse, le luxe menteur, tout ce que cache de désordre et de souffrance, la fierté intellectuelle de ne pas travailler à un étau ou sur des échafaudages.

— Enfin, tout de même, répéta madame Théodore, vous ne l’étranglerez pas, ce petit.

Hortense se laissa retomber dans le fauteuil.

— Non, bien sûr, mais c’est la fin de tout. Deux, c’était déjà trop, et en voilà un troisième ! Qu’est-ce que nous allons devenir, mon Dieu ! qu’est-ce que nous allons devenir ?

Et elle s’effondra dans son peignoir défait, des larmes recommencèrent à ruisseler de ses yeux rouges.

Très ennuyée de tomber si mal pour sa demande d’emprunt, madame Théodore, cependant, finit par se risquer, demanda vingt sous. Et cela mit au comble la confusion désespérée d’Hortense.

— Ma parole d’honneur, je n’ai pas un centime à la maison. Tout à l’heure, pour les enfants, je me suis fait prêter dix sous par la femme de ménage. Avant-hier, on m’avait donné neuf francs au Mont-de-Piété, sur une petite bague. Et c’est comme ça toujours à la fin du mois… Chrétiennot, qui touche aujourd’hui, va rentrer de bonne heure, pour l’argent du dîner. Je te promets de t’envoyer quelque chose demain, si je peux.

Mais, à ce moment, la femme de ménage accourut, effarée, sachant que monsieur n’aimait guère les parents de Madame.

— Oh ! madame, madame, j’entends monsieur qui monte.

— Vite, vite ! va-t’en ! cria Hortense. J’aurais encore une scène… Si je peux, demain, je te promets.