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— Monsieur l’abbé, reprit Thomas, veuillez lui dire alors que, pendant son absence, du moment que les travaux vont être interrompus ici, je compte retourner à l’usine, où je suis plus à l’aise pour les recherches qui nous occupent.

— Et veuillez lui répéter aussi de ma part, dit François à son tour, qu’il ne se préoccupe pas de mon examen. Tout va très bien. Je crois être sûr du succès.

Pierre promit de ne rien oublier. Mais, avec un sourire, Marie regardait Antoine, qui était resté silencieux, les regards perdus.

— Et toi, petit, tu ne lui fais rien dire ?

Le jeune homme, comme s’il redescendait d’un rêve, se mit également à rire.

— Si, si, que tu l’aimes bien, et qu’il revienne vite, pour que tu le rendes heureux.

Tous s’égayèrent, Marie elle-même, sans gêne aucune, dans une tranquille joie, dans la certitude de l’avenir. Il n’y avait là, entre eux et elle, qu’une affection heureuse. Et Mère-Grand, de ses lèvres décolorées, avait souri gravement, elle aussi, approuvant le bonheur que la vie semblait leur promettre.

Pierre voulut rester quelques minutes encore. On causa, et son étonnement augmentait. Il était allé de surprise en surprise, dans cette maison où il s’attendait à trouver la vie louche et déclassée, le désordre, la révolte destructive de toute morale. Et il tombait dans une sérénité tendre, dans une discipline si forte, qu’elle mettait là une gravité, presque une austérité de couvent, tempérée de jeunesse et de gaieté. La vaste salle sentait bon le travail et la paix, tiède de clair soleil. Mais ce qui le frappait surtout, c’était la forte éducation, cette bravoure des esprits et des cœurs, ces fils qui, sans rien laisser voir de leurs sentiments personnels, sans se permettre de juger leur père, se contentaient de ce qu’il leur faisait dire, atten-