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Alors elle n’insista plus, obéissante, respectueuse de la volonté de Guillaume, se contentant de ce qu’il envoyait dire, pour rassurer la maison, sans chercher à en apprendre davantage. Et, de même qu’elle avait repris sa besogne, malgré l’anxiété sécrète où elle était depuis la lettre de la veille, elle retrouvait son apparente sérénité, son sourire de paix, son clair regard de vaillance, dans son air de tranquille force.

— Guillaume, reprit Pierre, ne m’a donné qu’une commission, celle de remettre une petite clé à madame Leroi.

— C’est bien, répondit Marie simplement. Mère-Grand est là, et il faut d’ailleurs que les enfants vous voient… Je vais vous conduire.

Tranquillisée maintenant, elle examinait Pierre, sans réussir à cacher sa curiosité, plutôt bienveillante, avec un fond de pitié confuse. Ses bras frais et blancs, d’une bonne odeur de jeunesse, étaient restés nus. Sans hâte, en toute candeur, elle baissa les manches. Puis, elle ôta le grand tablier bleu, elle apparut avec sa taille ronde, d’une élégance robuste dans sa modeste robe noire. Il la regardait faire, elle ne lui plaisait décidément pas, et toute une révolte montait en lui, sans qu’il comprît pourquoi, à la voir si naturelle, si saine et si brave.

— Si vous voulez bien me suivre, monsieur l’abbé ? Il faut traverser le jardin.

Dans la maison, de l’autre côté du couloir, en face de la cuisine et de la buanderie, il y avait deux pièces, la bibliothèque donnant sur la place du Tertre, et la salle à manger dont les deux fenêtres ouvraient sur le jardin. Les quatre pièces du premier étage servaient de chambres au père et aux trois fils. Quant au jardin, petit déjà autrefois, il se trouvait maintenant réduit à une sorte de cour sablée, par la construction du vaste atelier qui occupait tout un coin. Pourtant, des anciens arbres, il restait