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repoussé des offres de mariage ; et, la seconde, comme Guillaume insistait, elle s’était étonnée, en lui demandant s’il avait assez d’elle dans la maison. Elle s’y trouvait très bien, elle y rendait des services. Pourquoi l’aurait-elle quittée, pourquoi se serait-elle exposée à être moins heureuse ailleurs, du moment qu’elle n’aimait personne ?

Puis, peu à peu, l’idée d’un mariage possible entre Marie et Guillaume était née, avait pris toute une apparence d’utilité et de raison. Quoi de plus raisonnable, en effet, et quoi de meilleur pour tous ? Si lui ne s’était pas remarié, c’était par un sacrifice pour ses fils, dans la seule crainte d’introduire près d’eux une étrangère, qui aurait peut-être gâté la joie, la paix tendre de la maison. Et voilà, maintenant, qu’une femme s’y trouvait, déjà maternelle pour les enfants, et dont l’éclatante jeunesse avait fini par troubler son cœur ! Il était vigoureux encore, il avait toujours professé que l’homme ne devait pas vivre seul, bien qu’il n’eût pas trop souffert, jusque-là, de son veuvage, dans son acharnement au travail. Mais il y avait la différence des âges, et il se serait héroïquement tenu à l’écart, il aurait cherché pour la jeune fille un mari plus jeune, si ses trois grands fils, si Mère-Grand elle-même ne s’étaient faits les complices de son bonheur, en travaillant à une union qui allait resserrer tous les liens, rendre à la maison comme un printemps nouveau. Quant à Marie, très touchée, très reconnaissante de la façon dont Guillaume la traitait depuis cinq années, elle avait tout de suite consenti, cédant à un élan de sincère affection, où elle croyait sentir de l’amour. Pouvait-elle, d’ailleurs, agir plus sagement, fixer sa vie dans des conditions de bonheur plus certain ? Et, depuis près d’un mois, le mariage discuté et résolu, était fixé au printemps prochain, vers la fin d’avril.

Lorsque Pierre fut descendu du tramway, et qu’il monta les escaliers interminables qui mènent à la rue Saint-