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dans un article grave du Globe, évidemment inspiré par Fonsègue, un appel était fait au patriotisme de la Chambre pour qu’elle évitât toute crise ministérielle, au milieu des événements douloureux que le pays traversait. Pendant quelques semaines encore, le ministère allait durer, vivre à peu près tranquille.

Mais Guillaume n’avait été frappé que par un détail : l’auteur de l’attentat restait inconnu, Salvat certainement n’était ni arrêté, ni même soupçonné. On semblait au contraire partir sur une piste fausse, un monsieur bien mis, ganté, qu’un voisin jurait avoir vu entrer dans l’hôtel, au moment de l’explosion. Et Guillaume semblait se calmer un peu, lorsque son frère lui lut un autre journal, où l’on donnait des renseignements sur l’engin qui avait dû être employé, une boîte de conserve, relativement très petite, dont on avait retrouvé les débris. De nouveau, il retomba à son anxiété, lorsqu’il sut qu’on s’étonnait qu’un si pauvre engin eût pu faire de si violents ravages, et qu’on soupçonnait là quelque nouvel explosif, d’une puissance incalculable.

À huit heures, Bertheroy reparut, alerté malgré ses soixante-dix ans, tel qu’un jeune carabin qui court chez un ami lui rendre le service d’une petite opération. Il apportait une trousse, des bandes, de la charpie. Mais il se fâcha, lorsqu’il trouva le blessé rouge, nerveux, brûlé de fièvre.

— Ah ! mon cher enfant, je vois que vous n’avez pas été raisonnable. Vous avez dû trop causer, vous agiter, vous passionner.

Et, dès qu’il eut examiné, sondé la plaie avec soin, il ajouta, tandis qu’il le pansait :

— Vous savez que l’os est endommagé et que je ne réponds de rien, si vous n’êtes pas plus sage. Toute complication rendrait l’amputation nécessaire.

Pierre frémit, tandis que Guillaume avait un haus-