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de tempête d’un Océan. Puis, c’était la masse isolée de l’Opéra, peu à peu noyé d’ombre, énorme et mystérieux, tel qu’un symbole, et dont l’Apollon, porteur de lyre, tout en haut, gardait un dernier reflet de lumière, dans le ciel blême. Et toutes les fenêtres des façades s’éclairaient, une allégresse naissait de ces milliers de lampes qui étincelaient une à une, un besoin de détente universelle, de libre assouvissement s’épandait avec l’ombre croissante, tandis que, de loin en loin, les globes électriques éclataient comme les lunes des nuits claires de Paris.

Pourquoi donc se trouvait-il là ? Pierre s’interrogeait, irrité et béant. Puisque Laveuve était mort, il n’avait qu’à rentrer chez lui, qu’à se terrer dans son coin, porte et fenêtres closes, comme un être désormais inutile, sans croyance, sans espérance, n’attendant plus que l’anéantissement final. La course était longue, de la place de l’Opéra à sa petite maison de Neuilly. Malgré l’écrasement de sa lassitude, il ne voulut point prendre de voiture, il revint sur ses pas, retourna vers la Madeleine, se replongea parmi la bousculade des trottoirs, au milieu de l’assourdissement de la chaussée, avec l’âpre désir d’aggraver sa plaie, de se saturer de révolte et de colère. N’était-il donc pas au coin de cette rue, au bout de ce boulevard, le gouffre attendu, où devait crouler ce monde pourri, dont il entendait craquer la vieille société, à chaque pas ?

Lorsqu’il voulut traverser la rue Scribe, un encombrement l’arrêta. Devant un café luxueux, deux grands diables, mal vêtus, fort sales, criaient alternativement la Voix du Peuple, les scandales, les vendus de la Chambre et du Sénat, d’une telle voix de cuivre fêlé, que les passants s’attroupaient. Et, là, il eut de nouveau la surprise de reconnaître Salvat, dans un homme hésitant, errant, qui, après avoir écouté, s’était approché du grand café, pour regarder à travers les glaces. Cette fois, cette