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ruée frénétique où elles bondissaient, hennissaient comme des cavales, sous le fouet du grand rut ; car Pierre vit osciller et se tordre les rangées de têtes, les nuques blondes, les nuques brunes, sur lesquelles sembla passer un vent lourd. Fenêtres closes, l’incendie des lampes électriques allumait un brasier, fumant d’une odeur de chair. Et ce fut une pâmoison, des rires encore, des bravos, une volupté, une débauche qui débordait.

Lorsque Pierre se retrouva sur le trottoir, il resta un moment ahuri, les paupières battantes, étonné de retomber dans le plein jour. La demie de quatre heures allait sonner, il avait près de deux heures à attendre, avant de se présenter à l’hôtel de la rue Godot-de-Mauroy. Qu’allait-il faire ? Il paya son cocher, préférant descendre à pied les Champs-Élysées, doucement, puisqu’il avait du temps à perdre. Cela, peut-être, calmerait la fièvre qui lui brûlait les mains, dans cette passion de charité qui, peu à peu, depuis le matin, l’avait envahi de nouveau, à mesure qu’il rencontrait des obstacles, sans cesse renaissants. Maintenant, il n’avait plus qu’une hâte, achever sa bonne œuvre, qu’il croyait enfin certaine. Et il s’efforçait d’attarder son pas, de prendre une allure de promenade, le long de l’avenue magnifique, que le clair soleil venait de sécher et qu’une foule égayait, sous le ciel redevenu bleu, d’un bleu léger de printemps.

Près de deux heures à perdre, pendant que le misérable Laveuve, là-bas, sur ses loques, dans son taudis glacé, agonisait. De brusques révoltes, des flots d’irrésistible impatience, remontaient chez Pierre, le secouaient d’un besoin de courir, de trouver à l’instant la baronne Duvillard, pour obtenir d’elle l’ordre sauveur. Il se doutait bien qu’elle était par là, dans une de ces rues discrètes, et quel trouble en lui, quelle colère désolée d’avoir à attendre de la sorte, pour sauver une existence, qu’elle eût fini cette affaire, dont sa fille parlait avec des