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venues en quelques secondes droites, saines et fortes. Elle traversa la cour, put monter à la chapelle, où toute la communauté, transportée de reconnaissance, chanta le Magnificat… Ah ! la chère enfant, elle devait être heureuse, bien heureuse !

Deux larmes achevèrent de couler de ses joues sur le visage pâle de sa fille, qu’elle baisa éperdument.

Mais l’intérêt grandissait toujours, la joie ravie de ces beaux contes, où le ciel à tous coups triomphait des réalités humaines, exaltait ces âmes d’enfant, au point que les plus malades se redressaient, à leur tour, et retrouvaient la parole. Et, derrière le récit de chacun, il y avait la préoccupation de son mal, la confiance qu’il guérirait, puisqu’une maladie identique s’était effacée comme un vilain songe, au souffle divin.

— Ah ! bégaya madame Vêtu, la bouche empâtée de souffrance, il y en avait une, Antoinette Thardivail, dont l’estomac était dévoré comme le mien. On aurait dit que des chiens le lui mangeaient, et il devenait parfois plus gros que la tête d’un enfant. Des tumeurs y poussaient, pareilles à des œufs de poule, si bien que, pendant huit mois, elle avait vomi du sang… Elle aussi allait expirer, la peau collée sur les os, mourant de faim, lorsqu’elle but de l’eau de Lourdes et s’en fit laver le creux de l’estomac. Trois minutes après, son médecin qui l’avait quittée, la veille, agonisante, sans souffle, la trouva levée, assise au coin de son feu, se régalant avec appétit d’une aile de poulet bien tendre. Elle n’avait plus de tumeurs, elle riait comme à vingt ans, son visage venait de reprendre l’éclat de la jeunesse… Ah ! manger ce qui vous plaît, redevenir jeune, ne plus souffrir !

— Et la guérison de sœur Julienne ! dit la Grivotte, qui se releva sur un coude, les yeux brillants de fièvre. Ça l’avait prise par un mauvais rhume, comme moi ; puis, elle s’était mise à cracher le sang. Tous les six mois, elle