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quière. Elle ne se trouvait pas dans ma salle, mais je l’avais rencontrée, le matin même, qui boitait…

Vivement, Pierre l’interrompit.

— Ah ! vous avez vu son pied, avant et après l’immersion ?

— Non, non, je ne crois pas que personne ait pu le voir, car il était enveloppé de compresses… Elle vous a dit elle-même que les compresses étaient tombées dans la piscine…

Et, se tournant vers l’enfant :

— Mais elle va vous le montrer, son pied…. N’est-ce pas, Sophie ? Défaites votre soulier.

Celle-ci, déjà, ôtait son soulier, retirait son bas, avec une promptitude et une aisance qui montraient la grande habitude qu’elle en avait prise. Et elle allongea son pied, très propre, très blanc, soigné même, avec des ongles roses bien coupés, le tournant d’un air de complaisance, pour que le prêtre pût l’examiner commodément. Il y avait là, au-dessous de la cheville, une longue cicatrice dont la couture blanchâtre, très nette, témoignait de la gravité du mal.

— Oh ! monsieur l’abbé, prenez le talon, serrez-le de toutes vos forces : je ne sens plus rien !

Pierre eut un geste, et l’on put croire que le pouvoir de la sainte Vierge le ravissait. Il restait inquiet dans son doute. Quelle force ignorée avait agi ? ou plutôt quel faux diagnostic du médecin, quel concours d’erreurs et d’exagérations avaient abouti à ce beau conte ?

Mais les malades voulaient tous voir le pied miraculeux, cette preuve visible de la guérison divine, qu’ils allaient tous chercher. Et ce fut Marie, la première, qui le toucha, assise sur son séant, souffrant déjà moins. Puis, madame Maze, tirée de sa mélancolie, le passa à madame Vincent, qui l’aurait baisé, pour l’espoir qu’il lui rendait. M. Sabathier avait écouté, d’un air béat ; madame