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Madame de Jonquière, directrice de la salle, se montrait du reste pour elle d’une aimable tolérance.

— Ah ! mon Dieu ! mes pauvres amies, vous avez bien le temps de vous dépenser. Dormez donc, si vous le pouvez, et ce sera votre tour ensuite, lorsque je ne me tiendrai plus debout.

Puis, s’adressant à sa fille :

— Toi, ma mignonne, tu feras bien de ne pas trop t’exciter, si tu veux garder ta tête solide.

Mais Raymonde la regarda d’un air de reproche, avec un sourire.

— Maman, maman, pourquoi dis-tu ça ?… Est-ce que je ne suis pas raisonnable ?

Et elle devait ne pas se vanter, car une volonté ferme, une résolution de faire sa vie elle-même, apparut dans ses yeux gris, sous son air de jeunesse insoucieuse, simplement heureuse de vivre.

— C’est vrai, confessa la mère avec un peu de confusion, cette petite fille a parfois plus de raison que moi… Tiens ! passe-moi la côtelette, et je t’assure qu’elle est la bienvenue. Seigneur ! que j’avais faim !

Le déjeuner continua, égayé par les continuels rires de madame Désagneaux et de Raymonde. Celle-ci s’animait, et son visage, que l’attente du mariage jaunissait déjà légèrement, retrouvait l’éclat rose de la vingtième année. On mettait les morceaux doubles, car on n’avait plus que dix minutes. Dans toute la salle, c’était un brouhaha grandissant de convives qui craignaient de ne pas avoir le temps de prendre leur café.

Mais Pierre parut : de nouveau, la Grivotte se trouvait en proie à des étouffements ; et madame de Jonquière acheva son artichaut, puis retourna au wagon, après avoir embrassé sa fille, qui lui disait bonsoir, d’une façon plaisante. Cependant, le prêtre venait de réprimer un mouvement de surprise, en apercevant madame Volmar, avec la croix