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Et cette idée de sa passion la poursuivait, l’attachait plus étroitement sur la croix avec son divin Maître. Elle s’était fait donner un grand crucifix, elle le pressait violemment sur sa triste poitrine de vierge, en criant qu’elle aurait voulu l’enfoncer dans sa gorge, et qu’il y restât. Vers la fin, ses forces l’abandonnèrent, elle ne pouvait plus le tenir de ses mains tremblantes. « Qu’on l’attache à moi, qu’on le serre bien fort, pour que je le sente jusqu’à mon dernier souffle ! » C’était le seul homme que sa virginité devait connaître, le seul baiser sanglant donné à sa maternité inutile, déviée et pervertie. Les religieuses prirent des cordes, les passèrent sous ses reins douloureux, en entourèrent ses misérables flancs inféconds, attachèrent le crucifix sur sa gorge, si rudement, qu’il y entra.

Enfin, la mort eut pitié. Le lundi de Pâques, elle fut prise d’un grand frisson. Des hallucinations la troublaient, elle grelottait de peur, elle voyait le démon ricaner, rôder autour d’elle. « Va-t’en, va-t’en, Satan ! ne me touche pas, ne m’emporte pas ! » Elle racontait ensuite, dans son délire, que le diable avait voulu se jeter sur elle, qu’elle avait senti sa bouche lui souffler toutes les flammes de l’enfer. Le diable dans cette vie si pure, dans cette âme sans péché, pourquoi donc, ô Seigneur ! et encore un coup, pourquoi cette souffrance sans pardon, exaspérée jusqu’au bout, pourquoi cette fin de cauchemar, cette mort troublée d’imaginations affreuses, après une si belle vie de candeur, de pureté et d’innocence ? Ne pouvait-elle s’endormir sereine, dans la paix de son âme chaste ? Sans doute, tant qu’elle avait un souffle, il fallait lui laisser la haine et la peur de la vie, qui est le diable. C’était la vie qui la menaçait, c’était la vie qu’elle chassait, de même qu’elle avait nié la vie en réservant à l’Époux céleste sa virginité torturée, clouée sur la croix. Ce dogme de l’Immaculée Conception, que son rêve de fillette souffrante était venu consolider, souffletait la femme, épouse et