coteaux, au loin, noyés de brume, s’en allaient plus lents, d’un balancement apaisé de houle. Entre Beaugency et les Aubrais, le train parut diminuer sa vitesse, roulant sans fin, avec le grondement rythmique, entêté des roues, que les pèlerins étourdis n’entendaient même plus.
Enfin, dès qu’on eut quitté les Aubrais, on se mit à déjeuner dans le wagon. Il était midi moins un quart. Et, quand on eut dit l’Angélus, les trois Ave répétés trois fois, Pierre tira, de la valise de Marie, le petit livre dont la couverture bleue était ornée d’une naïve image de Notre-Dame de Lourdes. Sœur Hyacinthe avait tapé dans ses mains, pour obtenir le silence. Le prêtre put alors commencer sa lecture, de sa belle voix pénétrante, au milieu du réveil de tous, de la curiosité de ces grands enfants que ce conte prodigieux passionnait. Maintenant, c’était le séjour à Nevers, et c’était la mort de Bernadette. Mais, comme il avait fait les deux premières fois, il cessa vite de s’en tenir au texte du petit livre, il y mêla des récits charmants, ce qu’il savait, ce qu’il devinait ; et, pour lui encore, s’évoquait l’histoire vraie, l’humaine, la pitoyable, celle que personne n’avait contée et qui lui bouleversait le cœur.
Ce fut le 8 juillet 1866 que Bernadette quitta Lourdes. Elle partait pour se cloîtrer, à Nevers, au couvent de Saint-Gildard, la maison mère des Sœurs qui desservaient l’Hospice, où elle avait appris à lire, où elle vivait depuis huit ans. Elle avait alors vingt-deux ans, il y avait huit ans déjà que la sainte Vierge lui était apparue. Et ses adieux à la Grotte, à la Basilique, à toute la ville qu’elle aimait, furent trempés de larmes. Mais elle ne pouvait plus y vivre, dans la persécution continuelle de la curiosité publique, des visites, des hommages, des adorations. Sa santé débile finissait par en souffrir cruellement. Une humilité sincère, un amour timide de l’ombre et du silence avaient fini par lui donner l’ardent désir de disparaître,