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fuyant de possession mystique, au milieu de ce wagon de misère et de souffrance, qui roulait, roulait toujours dans la nuit noire. Des heures, des heures coulèrent, les roues grondaient, les bagages se balançaient aux patères ; tandis que, des corps entassés, écrasés, ne montait que la fatigue énorme, la grande courbature physique du pays des miracles, au retour du surmenage des âmes.

À cinq heures, enfin, comme le soleil se levait, il y eut un réveil brusque, l’entrée retentissante dans une grande gare, des appels d’employés, des portières qui s’ouvraient, du monde qui se bousculait. On était à Poitiers, et tout le wagon se trouva debout, au milieu d’un bruit de voix, d’exclamations et de rires.

C’était la petite Sophie Couteau qui descendait là et qui faisait ses adieux. Elle embrassa toutes ces dames, elle passa même par-dessus la cloison, pour aller prendre congé de sœur Claire des Anges, que personne n’avait revue depuis la veille, disparue dans son coin, menue et silencieuse, avec ses yeux de mystère. Puis, l’enfant revint, prit son petit paquet, se montra gentille surtout pour sœur Hyacinthe et pour madame de Jonquière.

— Au revoir, ma sœur ! au revoir, madame !… Je vous remercie de toutes vos bontés.

— Il faudra revenir l’année prochaine, mon enfant.

— Oh ! ma sœur, je n’y manquerai pas ! C’est mon devoir.

— Et, chère petite, conduisez-vous bien, portez-vous bien, pour que la sainte Vierge soit fière de vous.

— Bien sûr, madame, elle a été si bonne, ça m’amuse tant de retourner la voir !

Quand elle fut sur le quai, tous les pèlerins du wagon se penchèrent, la suivirent avec des visages heureux, des saluts, des cris.

— À l’année prochaine ! à l’année prochaine !

— Oui, oui, merci bien ! À l’année prochaine !