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Elle pleurait, une larme chaude tomba sur la main du prêtre, qu’elle tenait toujours. Cela le bouleversa, il cessa de lutter, avouant, laissant à son tour couler ses larmes, tandis qu’il bégayait à voix très basse :

— Oh ! Marie, je suis bien malheureux aussi, oh ! bien malheureux !

Un instant, ils se turent, dans leur cruel chagrin de sentir entre eux l’abîme de leurs croyances. Ils ne seraient jamais plus étroitement l’un à l’autre, ils se désespéraient surtout de leur impuissance à se rapprocher, définitive désormais, puisque le ciel lui-même avait refusé de renouer le lien. Côte à côte, ils pleuraient sur leur séparation.

— Moi, reprit-elle douloureusement, moi qui avais tant prié pour votre conversion, moi qui étais si heureuse !… Il m’avait semblé que votre âme se fondait dans mon âme, et cela était si délicieux d’avoir été sauvés ensemble, ensemble ! Je me sentais des forces pour vivre, oh ! des forces à soulever le monde.

Il ne répondait pas, ses pleurs continuaient à couler sans fin.

— Et dire, reprit-elle, que j’ai été guérie seule, que j’ai eu ce grand bonheur sans vous ! C’est de vous voir si abandonné, si désolé, qui me déchire le cœur, lorsque, moi, je suis comblée de grâce et de joie… Ah ! que la sainte Vierge a été sévère ! Pourquoi n’a-t-elle pas guéri votre âme, en même temps qu’elle guérissait mon corps ?

L’occasion dernière se présentait, il aurait dû parler, faire enfin chez cette innocente la clarté de la raison, lui expliquer le miracle, pour que la vie, après avoir accompli en elle son œuvre de santé, achevât son triomphe en les jetant aux bras l’un de l’autre. Lui aussi était guéri, l’intelligence saine désormais, et ce n’était point d’avoir perdu la foi, c’était de la perdre elle-même qu’il pleurait. Mais une invincible pitié l’envahissait,