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Et l’attente se prolongea, au milieu du malaise des malades demeurés dans le wagon, et de la curiosité des gens du dehors, qui commençaient à s’attrouper.

Une jeune fille, vivement, écarta la foule ; et, montant sur le marchepied, elle interpella madame de Jonquière.

— Quoi donc, maman ? ces dames t’attendent au buffet.

C’était Raymonde de Jonquière, un peu mûre déjà pour ses vingt-cinq ans sonnés, qui ressemblait à sa mère étonnamment, très brune, avec son nez fort, sa bouche grande, sa figure grasse et agréable.

— Mais, mon enfant, tu le vois, je ne puis pas quitter cette pauvre femme.

Et elle montrait la Grivotte, prise maintenant d’un accès de toux, qui la secouait affreusement.

— Oh ! maman, est-ce fâcheux ! Madame Désagneaux et madame Volmar qui se faisaient une fête de ce petit déjeuner à nous quatre !

— Que veux-tu, ma pauvre enfant ?… Commencez toujours sans moi. Dis à ces dames que, dès que je le pourrai, je m’échapperai pour les rejoindre.

Puis, ayant une idée :

— Attends, il y a là le médecin, je vais tâcher de lui confier ma malade… Va-t’en, je te suis. Et tu sais que je meurs de faim !

Raymonde retourna lestement au buffet, tandis que madame de Jonquière suppliait Ferrand de monter près d’elle, pour voir s’il ne pourrait pas soulager la Grivotte. Déjà, sur le désir de Marthe, il avait examiné le frère Isidore, dont la plainte ne cessait point ; et il avait dit de nouveau son impuissance, d’un geste navré. Il s’empressa pourtant, souleva la phtisique qu’il voulut asseoir, espérant arrêter la toux, qui en effet cessa peu à peu. Ensuite, il aida la dame hospitalière à lui faire avaler une gorgée de potion calmante. Dans le wagon, la présence du mé-