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s’était fait prêtre. Jamais elle ne devait être femme, il avait consenti à n’être plus un homme, et ce serait leur éternel malheur, puisque la nature ironique allait refaire d’elle une épouse et une mère. Encore s’il avait conservé la foi, il y aurait trouvé l’éternelle consolation. Mais, vainement, il avait tout tenté pour la reconquérir : son voyage à Lourdes, ses efforts devant la Grotte, son espoir, un instant, qu’il finirait par croire, si Marie était miraculeusement guérie ; puis la ruine totale, irrémédiable, lorsque la guérison annoncée s’était scientifiquement produite. Et leur idylle si pure et si douloureuse, la longue histoire de leur tendresse trempée de larmes, se déroulait aussi. Elle-même, ayant pénétré son triste secret, n’était venue à Lourdes que pour demander au ciel le miracle de sa conversion. Pendant la procession aux flambeaux, lorsqu’ils étaient restés seuls sous les arbres, dans le parfum des roses invisibles, ils avaient prié l’un pour l’autre, perdus l’un dans l’autre, avec l’ardent désir de leur mutuel bonheur. Devant la Grotte encore, elle avait supplié la sainte Vierge de l’oublier, elle, et de le sauver, lui, si elle ne pouvait obtenir qu’une grâce de son divin Fils. Puis, guérie, hors d’elle, soulevée d’amour et de reconnaissance, emportée par les rampes avec son chariot, jusqu’à la Basilique, elle s’était crue exaucée, elle lui avait crié sa joie d’être tous les deux sauvés ensemble, ensemble ! Ah ! ce mensonge, ce mensonge d’affection et de charité, l’erreur où il la laissait depuis ce moment, de quel poids il lui écrasait le cœur ! C’était la dalle pesante qui, maintenant, le murait au fond de son sépulcre volontaire. Il se rappelait l’affreuse crise dont il avait faillir mourir, dans l’ombre de la Crypte, ses sanglots, sa brutale révolte d’abord, son besoin de la garder pour lui seul, de la posséder, puisqu’il la savait sienne, toute cette passion grondante de sa virilité réveillée, qui peu à peu, ensuite, s’était