Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/561

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Enfin, que voulez-vous ? la sainte Vierge doit bien savoir ce qu’elle fait. Ce n’est ni vous ni moi, n’est-ce pas ? qui irons lui demander compte de ses actions… Quand il lui plaira de jeter sur moi un regard, elle me trouvera toujours à ses pieds.

À Mont-de-Marsan, après l’Angélus, sœur Hyacinthe fit dire le second chapelet, les cinq mystères douloureux : Jésus au Jardin des Oliviers, Jésus flagellé, Jésus couronné d’épines, Jésus portant sa croix, Jésus mourant sur la croix. Et l’on dîna ensuite dans le wagon, car il n’y avait pas d’arrêt avant Bordeaux, où l’on devait arriver seulement à onze heures du soir. Tous les paniers des pèlerins étaient bourrés de provisions, sans compter le lait, le bouillon, le chocolat, les fruits que sœur Saint-François avait envoyés de la cantine. Puis, des partages fraternels se faisaient : on mangeait sur ses genoux, on voisinait, chaque compartiment n’était plus qu’une tablée de hasard, une dînette où chacun apportait son écot. Et l’on avait fini, on remballait le reste du pain et les papiers gras, lorsqu’on passa devant Morcenx.

— Mes enfants, dit sœur Hyacinthe en se levant, la prière du soir !

Alors, il y eut un bourdonnement confus, des Pater, des Ave, un examen de conscience, un acte de contrition, un abandon de soi-même à Dieu, à la sainte Vierge et aux saints, tout un remerciement de l’heureuse journée, que termina une prière pour les vivants et pour les fidèles trépassés.

— À dix heures, quand nous serons à Lamothe, reprit la religieuse, je vous préviens que je ferai faire le silence. Mais je crois que vous allez être bien sages et qu’on n’aura pas besoin de vous bercer.

Cela fit rire. Il était huit heures et demie, une nuit lente avait submergé la campagne. Seuls, les coteaux gardaient l’adieu vague du crépuscule, tandis que la