Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avancer vite, parmi tout ce monde. Lorsque je suis arrivée au wagon, le père Massias était déjà descendu et sorti de la gare, sans doute.

Elle expliqua que le père, selon ce qu’on racontait, devait avoir un rendez-vous avec le curé de Sainte-Radegonde. Les autres années, le pèlerinage national s’arrêtait pendant vingt-quatre heures : on mettait les malades à l’hôpital de la ville, on se rendait à Sainte-Radegonde en procession. Mais, cette année-là, un obstacle s’était produit, le train allait filer droit sur Lourdes ; et le père était sûrement par là, avec le curé, causant, ayant quelque affaire ensemble.

— On m’a bien promis de faire la commission, de l’envoyer ici avec les Saintes Huiles, dès qu’on le retrouvera.

C’était un véritable désastre pour sœur Hyacinthe. Puisque la science ne pouvait rien, peut-être les Saintes Huiles auraient-elles soulagé le malade. Souvent, elle avait vu cela.

— Oh ! ma sœur, ma sœur, que j’ai de peine !… Vous ne savez pas, si vous étiez bien gentille, vous retourneriez là-bas, vous guetteriez le père, de façon à me l’amener, dès qu’il paraîtra.

— Oui, ma sœur, répondit docilement sœur Claire des Anges, qui repartit de son air grave et mystérieux, en se glissant parmi la foule, avec une souplesse d’ombre.

Ferrand regardait toujours l’homme, désolé de ne pouvoir faire à sœur Hyacinthe le plaisir de le ranimer. Et, comme il avait un geste d’impuissance, elle le supplia encore.

— Monsieur Ferrand, restez avec moi, attendez que le père soit venu… Je serai un peu plus tranquille.

Il resta, il l’aida à remonter l’homme, qui glissait sur la banquette. Puis, elle prit un linge et lui essuya la face, qui se couvrait continuellement d’une épaisse sueur.