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miracles étaient faits, et la détente commençait, dans l’hébétude d’un soulagement profond.

Jusqu’à Tarbes, on fut ainsi très occupé, chacun s’arrangea, reprit possession de sa place. Et, comme on quittait cette station, sœur Hyacinthe se leva, tapa dans ses mains.

— Mes enfants, il ne faut pas oublier la sainte Vierge, qui a été si bonne… Commençons le rosaire.

Tout le wagon dit avec elle le premier chapelet, les cinq mystères joyeux, l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, la Purification et Jésus retrouvé. Puis, on entonna le cantique : « Contemplons le céleste archange… », d’une voix si haute, que les paysans, dans les cultures, levaient la tête, regardaient passer ce train qui chantait.

Marie admirait, au dehors, la campagne vaste, le ciel immense, peu à peu entièrement dégagé de sa brume de chaleur, devenu d’un bleu éclatant. C’était la fin délicieuse d’un beau jour. Et ses regards se reportaient, s’attachaient sur Pierre avec cette muette tristesse qui les avait voilés déjà, lorsque, devant elle, éclatèrent de furieux sanglots. Le cantique était fini, madame Vincent criait, bégayait des paroles confuses, étranglées par les larmes.

— Ah ! ma pauvre petite… Ah ! mon bijou, mon trésor, ma vie…

Elle était, jusque-là, restée dans son coin, s’enfonçant, disparaissant. Farouche, elle n’avait pas dit un mot, les lèvres serrées, les paupières closes, comme pour s’isoler davantage, au fond de son abominable douleur. Mais, ayant rouvert les yeux, elle venait d’apercevoir la bretelle de cuir qui pendait près de la portière ; et la vue de cette bretelle que son enfant avait touchée, avec laquelle son enfant avait joué, la bouleversait d’un désespoir, dont la frénésie emportait toute sa volonté de silence.

— Ah ! ma pauvre petite Rose… Sa petite main avait