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Pierre dut le prendre et essayer de la faire boire ; mais elle ne pouvait avaler, elle n’acheva pas le bouillon, les yeux fixés sur l’homme, attendant, comme s’il se fût agi de sa propre existence.

— Dites, demanda de nouveau sœur Hyacinthe, comment le trouvez-vous ? Quelle maladie a-t-il ?

— Oh ! quelle maladie ? murmura Ferrand. Il les a toutes !

Puis, il tira une petite fiole de sa poche, essaya d’introduire quelques gouttes, à travers les dents serrées du malade. Celui-ci poussa un soupir, souleva les paupières, les laissa retomber ; et ce fut tout, il ne donna pas d’autre signe de vie.

Sœur Hyacinthe, si calme d’habitude, qui ne désespérait jamais, eut une impatience.

— Mais c’est terrible ! et sœur Claire des Anges qui ne reparaît pas ! Je lui ai pourtant bien indiqué le wagon du père Massias… Mon Dieu ! qu’allons-nous devenir ?

Voyant qu’elle ne pouvait être utile, sœur Saint-François allait retourner au fourgon. Auparavant, elle demanda si l’homme, peut-être, ne se mourait pas de faim, tout simplement ; car cela arrivait, et elle n’était venue que pour offrir ses provisions. Puis, comme elle partait, elle promit, dans le cas où elle rencontrerait sœur Claire des Anges, de la faire se hâter ; et elle n’était pas à vingt mètres, qu’elle se retourna, en montrant d’un grand geste la sœur qui revenait seule, de sa marche discrète et menue.

Penchée à la portière, sœur Hyacinthe multipliait les appels.

— Arrivez donc, arrivez donc !… Eh bien ! et le père Massias ?

— Il n’est pas là.

— Comment ! il n’est pas là ?

— Non. J’ai eu beau me presser, on ne peut pas