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la foule des humbles consolés ou guéris, ils semblaient embarrassés de leur luxe, ils se reculaient, pris de gêne et de malaise, avec la honte de voir que Notre-Dame de Lourdes avait soulagé des mendiantes, tandis qu’elle était restée dédaigneuse, sans un regard, pour la belle et puissante dame, agonisant dans ses dentelles.

Pierre eut l’idée brusque qu’il avait pu ne pas voir M. de Guersaint et Marie arriver, et que peut-être ils étaient déjà au wagon. Il y retourna, il n’y aperçut toujours que sa valise, sur la banquette. Sœur Hyacinthe et sœur Claire des Anges commençaient à s’y installer, en attendant leurs malades ; et, comme Gérard amenait M. Sabathier dans une petite voiture, Pierre donna un coup de main pour le monter, rude besogne qui les mit en nage. L’ancien professeur, l’air abattu, très calme et résigné pourtant, se tassa aussitôt, reprit possession de son coin.

— Merci, messieurs… Enfin, ça y est, ce n’est pas malheureux ! Maintenant, on n’aura plus qu’à me déballer, à Paris.

Madame Sabathier, après lui avoir enveloppé les jambes dans une couverture, redescendit, resta debout près de la portière ouverte du wagon. Et elle causait avec Pierre, lorsqu’elle s’interrompit pour dire :

— Tiens ! voilà madame Maze qui vient reprendre sa place… Elle m’a fait des confidences, l’autre jour. Une petite femme bien malheureuse !

Obligeamment, elle l’interpella, lui offrit de veiller sur ses affaires. Mais la nouvelle venue se récriait, riait, s’agitait d’un air fou.

— Non, non ! je ne pars pas.

— Comment ! vous ne partez pas ?

— Non, non ! je ne pars pas… C’est-à-dire, je pars, mais pas avec vous, pas avec vous !

Et elle était si extraordinaire, si ensoleillée, que tous les deux avaient peine à la reconnaître. Son visage de