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une confusion inexprimable, des demandes, des appels, des courses brusques, le tournoiement sur place d’un troupeau qui ne trouve plus la porte de la bergerie. Et les brancardiers finissaient par perdre la tête, ne sachant quel chemin suivre, devant les cris d’alerte des hommes d’équipe, qui, chaque fois, épouvantaient les gens, les égaraient d’angoisse.

— Attention ! attention, là-bas !… Dépêchez-vous donc ! Non, non, ne traversez plus !… Le train de Toulouse ! le train de Toulouse !

Pierre, revenu sur ses pas, aperçut encore ces dames, madame de Jonquière et les autres, qui continuaient à causer gaiement. Près d’elles, il écouta Berthaud que le père Fourcade avait arrêté, pour le féliciter du bon ordre, pendant tout le pèlerinage. L’ancien magistrat s’inclinait, flatté.

— N’est-ce pas ? mon révérend père, c’est une leçon donnée à leur république. On se tue, à Paris, quand des foules pareilles célèbrent quelque date sanglante de leur exécrable histoire… Qu’ils viennent donc ici s’instruire !

La pensée d’être désagréable au gouvernement qui l’avait forcé de se démettre, le ravissait. Il n’était jamais si heureux, à Lourdes, qu’au milieu des grandes affluences de fidèles, lorsque des femmes manquaient d’être écrasées. Pourtant, il ne paraissait pas satisfait du résultat de la propagande politique qu’il y venait faire chaque année, pendant trois jours. Des impatiences le prenaient, ça ne marchait pas assez vite. Quand donc Notre-Dame de Lourdes ramènerait-elle la monarchie ?

— Voyez-vous, mon révérend père, l’unique moyen, le vrai triomphe, ce serait d’amener ici en masse les ouvriers des villes. Moi, je ne vais plus songer, je ne vais plus m’employer qu’à cela. Ah ! si l’on pouvait créer une démocratie catholique !

Le père Fourcade était devenu très grave. Ses beaux