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s’arrêtant de nouveau parfois pour dire une bonne parole à quelque triste femme qui passait, pâle et grelottante, sur un brancard. Ils déclaraient qu’elle avait bien meilleure mine, qu’elle s’en tirerait sûrement.

Mais le chef de gare, très affairé, passa, en criant d’une voix aiguë :

— N’encombrez pas le quai ! n’encombrez pas le quai !

Puis, comme Berthaud lui faisait observer qu’il fallait pourtant poser les brancards, avant de monter les malades, il se fâcha.

— Voyons, est-ce raisonnable ? Regardez, là-bas, la petite voiture qui est restée en travers de cette voie… J’attends dans quelques minutes le train de Toulouse. Voulez-vous donc qu’on vous écrase votre monde ?

Et il repartit en courant, pour poster des hommes d’équipe, qui écarteraient des voies le troupeau effaré des pèlerins, piétinant au hasard. Beaucoup, des vieux, des simples, ne reconnaissaient même pas la couleur de leur train ; et c’était pourquoi tous portaient au cou une carte de couleur appareillée, afin qu’on les dirigeât, qu’on les embarquât, comme du bétail marqué et parqué. Mais quelle alerte continue, ces quatorze départs de trains supplémentaires, sans que la circulation des trains habituels s’arrêtât !

Pierre, sa valise à la main, arriva, eut déjà de la peine à gagner le quai. Il était seul, Marie avait témoigné l’ardent désir de s’agenouiller une fois encore à la Grotte, pour que, jusqu’aux minutes dernières, son âme brûlât de reconnaissance, devant la sainte Vierge ; et il avait laissé M. de Guersaint l’y conduire, pendant que lui réglait à l’hôtel. D’ailleurs, il leur avait fait promettre de prendre ensuite une voiture, ils allaient être sûrement là avant un quart d’heure. En les attendant, sa première idée fut de chercher leur wagon et de s’y débarrasser de sa valise. Mais ce n’était pas une besogne facile, il ne le