Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/518

Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle haussait la voix, elle faisait tant, que les acheteurs, dont la boutique se trouvait pleine, s’intéressèrent, regardèrent dès lors la jeune fille avec des yeux avides. C’était la popularité qui recommençait autour d’elle, qui finit même par gagner la rue, lorsque l’hôtelière alla sur le seuil de la boutique, faisant des signes aux marchands d’en face, ameutant le voisinage.

— Partons-nous ? répétait Marie, de plus en plus gênée.

Mais son père la retint encore, en voyant un prêtre qui entrait.

— Ah ! monsieur l’abbé Des Hermoises !

C’était en effet le bel abbé, en soutane fine, sentant bon, le visage frais, d’une gaieté tendre. Il n’avait pas vu son compagnon de la veille, il s’était vivement approché d’Appoline, la prenant à l’écart.

Et Pierre l’entendit qui disait à demi-voix :

— Pourquoi ne m’avez-vous pas apporté mes trois douzaines de chapelets, ce matin ?

Appoline s’était remise à rire de son roucoulement de tourterelle, en le regardant en dessous, avec malice, sans répondre.

— C’est pour mes petites pénitentes de Toulouse, je voulais les mettre au fond de ma malle, et vous m’aviez offert de m’aider à serrer mon linge.

Elle riait toujours, elle l’excitait du coin de ses jolis yeux.

— Maintenant, je ne partirai que demain. Apportez-les-moi ce soir, n’est-ce pas ? quand vous serez libre… C’est au bout de la rue, chez la Duchêne, la chambre meublée du rez-de-chaussée… Soyez gentille, venez vous-même.

Du bout de ses lèvres rouges, elle dit enfin en plaisantant, sans qu’il pût savoir si elle tiendrait sa promesse :

— Certainement, monsieur l’abbé, j’irai.