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d’autre commerce : un fleuve de chapelets, de médailles, de statuettes, coulant sans fin au travers des vitrines. Et les enseignes affichaient en lettres énormes des noms vénérés, saint Roch, saint Joseph, Jérusalem, la Vierge Immaculée, le Sacré-Cœur de Marie, tout ce que le paradis contenait de mieux pour toucher et attirer la clientèle.

— Ma foi, déclara M. de Guersaint, je crois bien que c’est partout la même chose. Entrons n’importe où.

Il en avait assez, cette file interminable d’étalages lui cassait les jambes.

— Puisque tu as promis d’acheter là-bas, dit Marie qui ne se lassait point, le mieux est d’y retourner.

— C’est cela, retournons chez Majesté.

Mais les boutiques recommencèrent avenue de la Grotte. Aux deux bords, elles se pressaient de nouveau ; et il s’y mêlait des bijoutiers, des marchands de nouveautés, des marchands de parapluies tenant l’article religieux ; même il y avait là un confiseur qui vendait des boîtes de pastilles à l’eau de Lourdes, dont le couvercle portait une image de la Vierge. Les vitrines d’un photographe débordaient de vues de la Grotte et de la Basilique, de portraits d’évêques, de révérends pères de tous les ordres, mêlés aux sites célèbres des montagnes voisines. Une librairie étalait les dernières publications catholiques, des volumes aux titres dévots, parmi les nombreux ouvrages publiés sur Lourdes depuis vingt ans, quelques-uns avec un succès prodigieux, dont le retentissement durait encore. Dans cette grande voie populeuse, la foule coulait en un flot élargi, les bidons sonnaient, c’était une joie de vie intense, au clair soleil qui enfilait la chaussée d’un bout à l’autre. Et les statuettes, les médailles, les chapelets ne semblaient devoir cesser jamais, un étalage continuait l’autre étalage, des kilomètres allaient ainsi s’étendre, dévidant les rues de la