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dans ses yeux tout le flamboiement de la Grotte, tellement ils luisaient de la divine joie de sa guérison. Jamais elle ne consentit à garder la voiture. Non, non ! elle préférait marcher, peu lui importait de voir la ville, pourvu que, pendant une heure encore, elle marchât au bras de son père, par les jardins, par les rues, par les places, où l’on voudrait ! Et, quand Pierre eut payé le cocher, ce fut elle qui s’engagea dans une allée du jardin de l’Esplanade, ravie de se promener ainsi à petits pas, le long des gazons fleuris de corbeilles, sous les grands arbres. Cela était si doux, si frais, toutes ces herbes, toutes ces feuilles, ces allées ombreuses, solitaires, d’où l’on entendait l’éternel ruissellement du Gave ! Puis, elle désira retourner dans les rues, parmi la foule, pour y retrouver l’agitation, le bruit, la vie, dont le besoin débordait de son être.

Rue Saint-Joseph, en apercevant le Panorama, où l’on voyait l’ancienne Grotte, avec Bernadette agenouillée, le jour du miracle du cierge, Pierre eut l’idée d’entrer. Marie en fut heureuse, comme une enfant ; et M. de Guersaint lui-même témoigna la plus innocente joie, surtout lorsqu’il remarqua que, parmi la fournée des pèlerins qui s’engouffraient avec eux au fond du couloir obscur, plusieurs venaient de reconnaître, en sa fille, la jeune miraculée de la veille, déjà glorieuse, dont le nom volait de bouche en bouche. En haut, sur l’estrade ronde, quand on déboucha dans la lumière diffuse que tamisait un velum, il y eut une sorte d’ovation autour de Marie, des chuchotements tendres, des regards béats, un ravissement d’extase à la voir, à la suivre, à la toucher. Maintenant, c’était la gloire, elle serait aimée ainsi, partout où elle irait. Et il fallut, pour qu’on l’oubliât un peu, que l’employé chargé des explications se mît à la tête de la petite troupe des visiteurs, faisant le tour, racontant l’épisode que représentait l’immense toile circulaire,