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vie à chaque saison, destinée sûrement à disparaître, à être étouffée, assassinée par la cité jeune. Ah ! leur sale Grotte ! il se serait plutôt fait couper les pieds que de les y mettre. N’était-ce pas écœurant, la boutique de bibelots qu’ils avaient collée à côté ? Une vraie honte, dont un évêque s’était montré si indigné, qu’il en avait, disait-on, écrit au pape ! Lui, qui se flattait d’être un libre penseur et un républicain de l’avant-veille, qui déjà sous l’empire votait pour les candidats de l’opposition, avait bien le droit de déclarer qu’il n’y croyait pas, à leur sale Grotte, et qu’il s’en fichait !

— Tenez ! monsieur, je vais vous raconter un fait. Mon frère est du conseil municipal, c’est par lui que je sais la chose… Il faut vous dire d’abord que nous avons maintenant un conseil municipal républicain, qui s’afflige beaucoup de la démoralisation de la ville. Le soir, on ne peut plus sortir, sans rencontrer des filles dans les rues, vous savez, ces marchandes de cierges. Elles se perdent avec les cochers que la saison nous amène, une population louche et flottante, venue on ne sait d’où… Et il faut aussi que je vous explique la situation des pères vis-à-vis de la ville. Quand ils lui ont acheté les terrains de la Grotte, ils ont signé un acte par lequel ils s’y interdisaient formellement tout commerce. Or, ils y ont ouvert une boutique, au mépris de leur signature. N’est-ce pas là une concurrence déloyale, indigne de gens honnêtes ?… Aussi le nouveau conseil s’est-il décidé à leur envoyer une délégation pour exiger d’eux le respect du traité, en leur enjoignant d’avoir à fermer leur boutique immédiatement. Savez-vous, monsieur, ce qu’ils ont répondu ?… Oh ! ce qu’ils ont répondu vingt fois, ce qu’ils répondent toujours, quand on leur rappelle leurs engagements : « C’est bien, nous consentons à les tenir, mais nous sommes les maîtres chez nous, et nous fermons la Grotte. »