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— J’ai déjà fait mes offres de service, appuya madame Majesté. Je les renouvelle, Appoline sera si heureuse de montrer à mademoiselle ce que nous avons de plus joli, et dans des conditions de bon marché vraiment incroyables ! Oh ! des choses ravissantes, ravissantes !

Marie commençait à s’impatienter d’être ainsi retenue, et Pierre souffrait de la curiosité éveillée, grandissante autour d’eux. Quant à M. de Guersaint, il jouissait délicieusement de cette popularité, de ce triomphe de sa fille. Il promit de revenir.

— Certainement, nous achèterons quelques petits bibelots. Des souvenirs pour nous, des cadeaux à faire… Mais plus tard, quand nous rentrerons.

Enfin, ils s’échappèrent, ils descendirent l’avenue de la Grotte. Le temps était de nouveau superbe, après les orages des deux nuits précédentes. Rafraîchi, l’air matinal sentait bon, sous la gaieté épandue du clair soleil. Une foule se hâtait déjà sur les trottoirs, affairée, contente de vivre. Et quel ravissement pour Marie, à qui tout semblait nouveau, charmant, inappréciable ! Le matin, elle avait dû accepter que Raymonde lui prêtât une paire de bottines, car elle s’était bien gardée d’en mettre une dans sa valise, par superstition, craignant de se porter malheur. Les bottines lui allaient à ravir, elle écoutait avec une joie d’enfant les petits talons taper gaillardement sur les dalles. Elle ne se souvenait pas d’avoir vu des maisons si blanches, des arbres si verts, des passants si joyeux. Tous les sens, chez elle, semblaient en fête, d’une délicatesse merveilleuse : elle entendait des musiques, sentait des parfums lointains, elle goûtait l’air avec gourmandise, ainsi qu’un fruit suave. Mais, surtout, ce qu’elle trouvait de très gentil, de délicieux, c’était de se promener de la sorte au bras de son père. Jamais encore cela ne lui était arrivé, elle en faisait le rêve depuis des années comme d’un de ces grands bonheurs