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désir, une envie de vivre, de marcher, de courir le vaste monde.

— Oh ! non, non ! dit le père. Je ne vous la rends pas… Nous allons prendre un bol de lait, car je meurs de faim ; puis, nous sortirons, nous nous promènerons, oui, oui, tous les deux ! Elle à mon bras, comme une petite femme !

Sœur Hyacinthe riait de nouveau.

— Eh bien ! je vous la laisse, je dirai à ces dames que vous me l’avez volée… Mais moi, je me sauve. Vous ne vous doutez pas de la besogne que nous avons, à l’Hôpital, si nous voulons être prêtes pour le départ : toutes nos malades, tout notre matériel, enfin une vraie bousculade !

— Alors, demanda M. de Guersaint qui retombait dans ses distractions, c’est bien mardi aujourd’hui, nous partons ce soir ?

— Certainement, n’allez pas oublier !… Le train blanc part à trois heures quarante… Et, si vous étiez raisonnable, vous nous ramèneriez mademoiselle de bonne heure, pour qu’elle se repose un peu.

Marie accompagna la sœur jusqu’à la porte.

— Soyez tranquille, je serai bien sage. Puis, je veux retourner à la Grotte, pour remercier encore la sainte Vierge.

Lorsqu’ils se trouvèrent tous les trois seuls, dans la petite chambre baignée de soleil, ce fut délicieux. Pierre avait appelé la servante pour qu’elle apportât du lait, du chocolat, des gâteaux, toutes les bonnes choses imaginables. Et, bien que Marie eût mangé déjà, elle mangea encore, tant elle dévorait depuis la veille. Ils avaient roulé le guéridon devant la fenêtre, ils firent un festin, à l’air vif des montagnes, pendant que les cent cloches de Lourdes sonnaient à la volée la gloire de cette journée radieuse. Ils s’exclamaient, ils riaient, la jeune fille racontait à son père le miracle, avec des détails