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Alors, derrière lui, il y eut un rire clair. Il se retourna, il resta béant. Marie était là, et elle marchait, elle avait un visage de gaieté ravie, de santé resplendissante. Jamais il n’avait douté du miracle, il n’en était pas surpris le moins du monde, car il revenait avec la conviction que tout finirait très bien, qu’il la retrouverait sûrement guérie. Mais ce qui le retournait jusqu’au fond des entrailles, c’était ce spectacle prodigieux qu’il n’avait pas prévu : sa fille si belle, si divine dans sa petite robe noire ! sa fille qui n’avait pas même apporté de chapeau, une dentelle simplement nouée sur son admirable chevelure blonde ! sa fille vivante, florissante, triomphante, pareille à toutes les filles de tous les pères qu’il enviait depuis tant d’années !

— Ô mon enfant, ô mon enfant…

Et, comme elle s’était élancée entre ses bras, il l’étreignit, ils tombèrent ensemble à genoux. Et tout fut emporté, tout rayonna dans une effusion de foi et d’amour. Cet homme distrait, à la cervelle d’oiseau, qui s’endormait au lieu d’accompagner sa fille à la Grotte, qui partait pour Gavarnie le jour où la Vierge devait la guérir, déborda d’une telle tendresse paternelle, d’une croyance de chrétien si exaltée par la reconnaissance, qu’il en devint un moment sublime.

— Ô Jésus, ô Marie, que je vous remercie de m’avoir rendu mon enfant !… Ô mon enfant, nous n’aurons jamais assez de souffle, jamais assez d’âme, pour remercier Marie et Jésus du grand bonheur qu’il me donne… Ô mon enfant, qu’ils ont ressuscitée, ô mon enfant, qu’ils ont refaite si belle, prends mon cœur, pour le leur offrir avec le tien… Je suis à toi, je suis à eux, éternellement, ô mon enfant chérie, ô mon enfant adorée…

À genoux devant la fenêtre ouverte, tous deux, les yeux levés, regardaient ardemment le ciel. La fille avait appuyé la tête à l’épaule du père ; tandis que lui la tenait