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serrait à la gorge, en l’entendant plaisanter si gaiement, en la regardant se mouvoir à l’aise, si vive, si gracieuse. Elle, mon Dieu ! elle qu’il avait vue pendant des années, les jambes mortes, la face couleur de plomb ! Depuis qu’il l’avait quittée, la veille, dans la Basilique, elle s’était épanouie en jeunesse et en beauté. Une nuit venait de suffire pour qu’il retrouvât, grandie, la chère créature de tendresse, l’enfant superbe, éclatante, embrassée si follement autrefois, derrière la haie en fleur, sous les arbres criblés de soleil.

— Comme vous voilà grande, comme vous voilà belle, Marie ! ne put-il s’empêcher de dire.

Sœur Hyacinthe, alors, intervint.

— N’est-ce pas, monsieur l’abbé, que la sainte Vierge a bien fait les choses ? Quand elle s’en mêle, vous voyez, on sort de ses mains fraîche comme une rose et sentant bon.

— Ah ! reprit la jeune fille, je suis si heureuse, je me sens toute forte, toute saine, toute blanche, comme si je venais de naître !

Et cela fut délicieux pour Pierre. Il lui sembla que ce qui restait encore là de l’haleine éparse de madame Volmar, se dissipait, était purifié. Marie emplissait la chambre de sa candeur, du parfum et de l’éclat de sa jeunesse innocente. Et, cependant, cette joie de la beauté pure, de la vie qui refleurissait, n’allait pas pour lui sans une grande tristesse. Au fond, la révolte qu’il avait eue dans la Crypte, la blessure de son existence manquée devait laisser son cœur à jamais saignant. Tant de grâce ressuscitée, toute la femme adorée qui renaissait en sa fleur ! et jamais il ne connaîtrait la possession, il était hors du monde, au sépulcre. Mais il ne sanglotait plus, il goûtait une mélancolie sans bornes, un néant immense, à se dire qu’il était mort, que cette aube de femme se levait sur la tombe où dormait sa virilité. C’était le