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comme il restait là, immobile, un événement se produisit, qui lui causa une gêne atroce. Avec une lenteur prudente, la porte de la chambre, occupée par le monsieur tout seul, venait de s’ouvrir ; et une dame vêtue de noir était sortie, si légère, que, dans l’entre-bâillement, on avait eu à peine le temps de distinguer le monsieur, debout, les doigts sur les lèvres. Mais, quand la dame se retourna, elle se trouva soudain face à face avec Pierre. Cela fut si net, si brutal, qu’ils ne purent se détourner, en feignant de ne pas s’être reconnus.

C’était madame Volmar. Après les trois jours et les trois nuits qu’elle venait de passer là, au fond de cette chambre d’amour, dans une claustration absolue, elle s’en échappait de grand matin, avec un arrachement de tout son être. Six heures n’étaient pas sonnées, elle espérait n’être vue de personne, s’évanouir par les couloirs et l’escalier vides, d’une légèreté d’ombre ; et elle avait le désir aussi de se montrer un peu à l’Hôpital, d’y passer cette matinée dernière, pour justifier sa présence à Lourdes. Quand elle aperçut Pierre, elle fut prise d’un tremblement, elle bégaya d’abord :

— Oh ! monsieur l’abbé, monsieur l’abbé…

Puis, en remarquant que le prêtre avait laissé sa porte grande ouverte, elle parut céder à la fièvre qui la brûlait, à un besoin de parler de cette flamme, de s’expliquer, de s’innocenter. Le sang au visage, elle passa la première, elle entra dans la chambre, où il dut la suivre, fort troublé de l’aventure. Et, comme il laissait la porte ouverte encore, ce fut elle qui, d’un signe, le pria de la fermer, voulant se confier à lui.

— Oh ! monsieur l’abbé, je vous en supplie, ne me jugez pas trop mal !

Il eut un geste, pour dire qu’il ne se permettait pas de porter un jugement sur elle.

— Si, si, je sais bien que vous connaissez mon malheur… À Paris,