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refusant, pleurant plus fort. Si bien que M. Vigneron fut forcé d’intervenir en lui faisant honte. Comment ! lui qui n’avait peur de rien ! qui montrait, devant le mal, du courage autant qu’un homme ! Et sa pauvre tante toujours si aimable, dont la dernière pensée avait dû être certainement pour lui !

— Donne-le-moi, dit-il à sa femme, il va être raisonnable.

Gustave finit par s’abandonner au cou de son père. Il arriva en chemise, grelottant, montrant la nudité de son misérable petit corps, que rongeait la scrofule. Loin de le guérir, il semblait que l’eau miraculeuse de la piscine eût avivé la plaie de ses reins ; tandis que sa maigre jambe pendait inerte, pareille à un bâton desséché.

— Embrasse-la, reprit M. Vigneron.

L’enfant se pencha, baisa sa tante sur le front. Ce n’était pas la mort qui l’inquiétait et le faisait se révolter. Depuis qu’il était là, il regardait la morte d’un air de tranquillité curieuse. Il ne l’aimait pas, il avait souffert d’elle trop longtemps. C’étaient, chez lui, des idées, des sentiments de grande personne, dont le poids l’avait étouffé, à mesure qu’elles se développaient et s’aiguisaient, avec son mal. Il sentait bien qu’il était trop petit, que les enfants ne doivent pas comprendre les choses qui se passent au fond des gens.

Son père, s’étant assis à l’écart, le garda sur ses genoux, pendant que la mère refermait la fenêtre et allumait les bougies des deux flambeaux de la cheminée.

— Ah ! mon pauvre mignon, murmura-t-il dans le besoin qu’il avait de parler, c’est une perte cruelle pour nous tous. Voilà notre voyage gâté complètement, car c’était notre dernier jour, on part cette après-midi… Et la sainte Vierge justement qui se montrait si bonne…

Mais, devant le regard étonné de son fils, un regard d’infinie tristesse et de reproche, il se hâta de reprendre :