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dalles, en face du chœur entouré d’une grille légère ainsi qu’une dentelle, revêtu d’une admirable boiserie sculptée. La chaire à prêcher, royal cadeau d’une grande dame, était une merveille d’art, fouillée en plein chêne. Les fonts baptismaux avaient été taillés dans la pierre dure par un artiste de grand talent. Des tableaux de maître ornaient les murailles, des croix, des ciboires, des ostensoirs précieux, des vêtements sacrés, pareils à des soleils, s’entassaient au fond des armoires de la sacristie. Et quel rêve d’être le pontife d’un tel temple, d’y régner après l’avoir bâti avec passion, d’y bénir les foules accourues de toute la terre, pendant que les sonneries volantes du clocher iraient dire à la Grotte et à la Basilique qu’elles avaient là-bas, dans le vieux Lourdes, une rivale, une sœur victorieuse, chez laquelle Dieu triomphait aussi !

Après avoir suivi un instant la rue Saint-Pierre, le docteur Chassaigne et son compagnon tournèrent dans la petite rue de Langelle.

— Nous arrivons, dit le docteur.

Mais Pierre regardait, ne voyait pas d’église. Il n’y avait là que des masures misérables, tout un quartier de faubourg pauvre, obstrué de constructions lépreuses. Enfin, il aperçut, au fond d’une impasse, un pan de la vieille palissade, à demi pourrie, qui entourait encore le vaste terrain carré, compris entre les rues Saint-Pierre, de Bagnères, de Langelle et des Jardins.

— Il faut tourner à gauche, reprit le docteur, qui s’était engagé dans un couloir étroit, parmi des décombres. Nous y voilà !

Et la ruine, brusquement, apparut, au milieu des laideurs et des misères qui la masquaient.

Toute la puissante carcasse de la nef et des bas côtés, du transept et de l’abside, était debout. Les murs, partout, s’élevaient jusqu’à la naissance des voûtes. On pénétrait là