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Après un silence, le docteur parla.

— Oui, c’est la chambre, tout est parti d’ici… Rien n’a été changé, seuls les meubles n’y sont plus. J’ai essayé de les replacer, les lits se trouvaient sûrement contre ce mur, en face des fenêtres ; les trois lits au moins, car les Soubirous étaient sept, le père, la mère, deux garçons, trois filles… Songez-vous à cela ! trois lits emplissant cette pièce ! et sept personnes vivant dans ces quelques mètres carrés ! et ce tas de monde enterré vif, sans air, sans lumière, presque sans pain ! Quelle misère basse, quelle humilité de pauvres êtres pitoyables !

Mais il fut interrompu. Une ombre, que Pierre prit d’abord pour une vieille femme, entra. C’était un prêtre, le vicaire de la paroisse, qui justement occupait aujourd’hui la maison. Il connaissait le docteur.

— J’ai entendu votre voix, monsieur Chassaigne, et je suis descendu… Alors, voilà que vous faites encore visiter la chambre ?

— En effet, monsieur l’abbé, je me suis permis… Cela ne vous dérange pas ?

— Oh ! du tout, du tout !… Venez tant qu’il vous plaira, amenez du monde.

Il riait d’un air engageant, il salua Pierre, qui, étonné de sa tranquille insouciance, lui demanda :

— Pourtant, les gens qui viennent doivent parfois vous importuner ?

À son tour, le vicaire parut surpris.

— Ma foi, non ! il ne vient personne… Vous comprenez, ce n’est guère connu, ici. Tout le monde reste là-bas, à la Grotte… Je laisse la porte ouverte, pour qu’on ne me tracasse pas. Mais des journées se passent, sans que j’entende seulement le petit bruit d’une souris.

Les yeux de Pierre, de plus en plus, s’accoutumaient à l’obscurité ; et, dans les objets vagues, inquiétants, qui emplissaient les coins, il finissait par reconnaître de vieux