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— Entrez, mon ami, entrez. Vous n’avez qu’à pousser la grille.

L’allée était profonde, Pierre suivait de la main le mur humide, par crainte de quelque faux pas. Il lui semblait descendre dans une cave, en pleine obscurité, avec la sensation, sous lui, d’un sol glissant, toujours trempé d’eau. Puis, au bout, sur une nouvelle indication du docteur, il tourna à droite.

— Baissez-vous, car vous pourriez vous cogner, la porte est basse… Là, nous y sommes.

Comme celle de la rue, cette porte de la chambre était grande ouverte, dans une insouciance d’abandon. Et Pierre, qui s’était arrêté au milieu de la pièce, hésitant, les yeux emplis de la vive clarté du dehors, ne distinguait absolument rien, tombé là en pleine nuit. Une fraîcheur glacée, pareille à la sensation d’un linge mouillé, l’avait saisi aux épaules.

Mais, peu à peu, ses yeux s’habituèrent. Les deux fenêtres, de grandeur inégale, prenaient jour sur une étroite cour intérieure, où ne descendait qu’une lumière verdâtre, comme au fond d’un puits ; et, pour lire dans la chambre, en plein midi, il aurait fallu une chandelle. Cette chambre, grande de quatre mètres sur trois mètres cinquante environ, était dallée de grosses pierres raboteuses ; tandis que la maîtresse poutre et les solives du plafond, apparentes, avaient noirci à la longue, d’un ton sale de suie. En face de la porte, se trouvait la cheminée, une pauvre cheminée de plâtre, dont une vieille planche vermoulue formait la tablette. Un évier était là, entre la cheminée et l’une des fenêtres. Les murs, dont un ancien badigeon s’en allait par écailles, tachés d’humidité, couturés de cicatrices, tournaient, comme le plafond, à une saleté noire. Et il n’y avait plus de meubles, la pièce paraissait abandonnée, on n’y entrevoyait que des objets confus et extraordinaires, méconnaissables dans l’ombre lourde qui en noyait les coins.