reconquise par la foi. Comment aurait-il pu assister à son extraordinaire guérison, sans être convaincu ? Elle avait tant prié, d’ailleurs, la nuit précédente, devant la Grotte ! Elle l’apercevait, à travers l’excès de sa joie, transfiguré lui aussi, pleurant et riant, rendu à Dieu. Et cela fouettait sa fièvre heureuse, elle traînait son chariot d’une main qui ne se lassait pas, elle aurait voulu le traîner pendant des lieues, des lieues encore, toujours plus haut, jusqu’à des sommets inaccessibles, jusque dans l’éblouissement du paradis, comme si elle eût porté leur double croix sur cette montée retentissante, son propre rachat et le rachat de son ami.
— Oh ! Pierre, Pierre, balbutia-t-elle, que cela est bon d’avoir eu ce grand bonheur ensemble, ensemble ! Je le lui avais si ardemment demandé, et elle a bien voulu, et elle vous a sauvé en me sauvant !… Oui, j’ai senti votre âme qui se fondait dans mon âme. Dites-moi que nos mutuelles prières ont été exaucées, que j’ai obtenu votre salut comme vous avez obtenu le mien !
Il comprit son erreur, il frémit.
— Si vous saviez, continua-t-elle, quel serait mon mortel chagrin, de monter ainsi toute seule dans la clarté. Oh ! être élue sans vous, m’en aller là-haut sans vous ! Mais, avec vous, Pierre, c’est un ravissement… Sauvés ensemble, heureux à jamais ! Je me sens des forces pour être heureuse, oh ! des forces à soulever le monde !
Et il dut pourtant lui répondre, il mentit, révolté à l’idée de gâter, de ternir cette grande félicité si pure.
— Oui, oui ! soyez heureuse, Marie, car je suis bien heureux moi-même, et toutes nos peines sont rachetées.
Mais il se fit en son être une déchirure profonde, comme si, brusquement, il avait senti qu’un brutal coup de hache les séparait l’un de l’autre. Jusque-là, dans leurs souffrances communes, elle était demeurée la petite amie d’enfance, la première femme ingénument désirée, qu’il