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gorge, dans le branle des cloches, dans la gaieté vibrante de l’air.

Magnificat anima mea Dominum

C’était le cantique de gratitude, déjà chanté à la Grotte, qui, de nouveau, sortait des cœurs.

Et exsultavit spiritus meus in Deo salutari meo

Et cette montée rayonnante, cette ascension par les rampes colossales, vers la Basilique de lumière, Marie la faisait avec un débordement de croissante allégresse. À mesure qu’elle s’élevait, il lui semblait qu’elle devenait plus forte, plus solide sur ses jambes ressuscitées, mortes si longtemps. Ce chariot qu’elle traînait victorieusement, c’était comme la dépouille de son mal, l’enfer d’où la sainte Vierge l’avait tirée ; et, bien que le timon lui en meurtrît les mains, elle voulait le mener là-haut avec elle, pour le jeter aux pieds de Dieu. Aucun obstacle ne l’arrêtait, elle riait au milieu de grosses larmes, la poitrine haute, l’allure guerrière. Dans sa course, une de ses pantoufles s’était détachée, tandis que la dentelle avait glissé de ses cheveux sur ses épaules. Mais elle marchait quand même, elle allait toujours, casquée de son admirable chevelure blonde, la face éclatante, dans un tel réveil de volonté et de force, qu’on entendait, derrière elle, le lourd chariot bondir en gravissant la pente rude des dalles, ainsi qu’un petit chariot d’enfant.

Pierre, près de Marie, restait au bras du père Massias, qui ne l’avait point lâché. Il était incapable de réfléchir, perdu dans cette émotion énorme. La voix de son compagnon, sonore, l’assourdissait.

Deposuit potentes de sede et exaltavit humiles

De l’autre côté, à sa droite, Berthaud suivait aussi le dais, rassuré maintenant. Il avait donné l’ordre à ses brancardiers de cesser la chaîne, il considérait d’un air ravi cette mer humaine, que venait de traverser la procession. Plus on montait le long des rampes, et plus la