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Alors, Pierre signa. Tout croulait en lui, mais il suffisait qu’elle fût sauvée, il aurait cru être sacrilège en touchant à la foi de cette enfant, la grande foi pure qui l’avait guérie.

Dehors, lorsque Marie reparut, les acclamations recommencèrent, la foule battit des mains. Il semblait que, maintenant, le miracle fût officiel. Pourtant, des personnes charitables, craignant qu’elle ne se fatiguât et qu’elle n’eût besoin de son chariot, abandonné par elle devant la Grotte, l’avaient amené jusqu’au bureau des constatations. Quand elle le retrouva, elle eut une émotion profonde. Ah ! ce chariot, où elle avait vécu tant d’années, ce cercueil roulant dans lequel elle s’imaginait parfois être enterrée vive, que de larmes, que de désespoirs, que de journées mauvaises il avait vus ! Et, tout d’un coup, l’idée lui vint que, puisqu’il avait si longtemps été à la peine, il devait être, lui aussi, au triomphe. Ce fut une inspiration brusque, comme une sainte folie, qui lui fit saisir le timon.

À ce moment, la procession passait, revenant de la Grotte, où l’abbé Judaine avait donné la bénédiction. Et Marie, traînant son chariot, se plaça derrière le dais. Et, en pantoufles, la tête couverte d’une dentelle, elle marcha ainsi, la poitrine frémissante, la face haute, illuminée et superbe, traînant toujours le chariot de misère, le cercueil roulant où elle avait agonisé. Et la foule qui l’acclamait, la foule frénétique la suivit.