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refait d’un coup, pleine et entière… Voyez mademoiselle. Le regard brille, le teint est rosé, la physionomie a retrouvé sa gaieté vivante. Sans doute, la réparation des tissus va se continuer avec quelque lenteur ; mais déjà l’on peut dire que mademoiselle vient de renaître… N’est-ce pas, monsieur l’abbé, vous qui la voyiez souvent, vous ne la reconnaissez plus ?

Pierre balbutia :

— C’est vrai, c’est vrai…

Et, en effet, elle lui apparaissait déjà forte, les joues remplies et fraîches, d’une allégresse florissante. Mais, encore une fois, Beauclair l’avait prévu, ce sursaut d’hosanna, ce redressement et ce resplendissement de tout ce corps brisé, quand la vie rentrerait en lui, avec la volonté de guérir et d’être heureuse.

De nouveau, le docteur Bonamy s’était penché sur l’épaule du père Dargelès, qui achevait d’écrire sa note, une sorte de petit procès-verbal complet. Tous deux échangèrent quelques mots à demi-voix. Ils se consultaient, et le docteur finit par reprendre :

— Monsieur l’abbé, vous avez assisté à ces merveilles, vous ne refuserez pas de signer le récit exact que vient de rédiger le révérend père pour le Journal de la Grotte.

Lui, signer cette page d’erreur et de mensonge ! Une révolte le souleva, il fut sur le point de crier la vérité. Mais il sentit le poids de sa soutane à ses épaules ; et, surtout, la joie divine de Marie lui emplissait le cœur. Il restait pénétré d’un bonheur si grand, à la voir sauvée ! Depuis qu’on ne l’interrogeait plus, elle était venue s’appuyer sur son bras, elle continuait de lui sourire avec des yeux d’ivresse.

— Ô mon ami, dit-elle très bas, remerciez la sainte Vierge. Elle a été si bonne, me voilà maintenant si bien portante, si belle, si jeune !… Et que mon père, mon pauvre père va être content !