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en point, le pronostic se réalisait, il n’y avait plus là que des phénomènes prévus et naturels.

Les yeux ronds, Raboin avait suivi le récit, avec la passion d’un dévot borné, que hante l’idée de l’enfer.

— C’est le diable, cria-t-il, c’est le diable qu’elle a craché ! Mais le docteur Bonamy, plus sage, le fit taire. Et, se tournant vers les médecins :

— Messieurs, vous savez que nous évitons toujours ici de prononcer le grand mot de miracle. Seulement, voici un fait, je suis curieux de savoir comment vous l’expliqueriez par les voies naturelles… Depuis sept ans, mademoiselle était frappée d’une paralysie grave, due évidemment à une lésion de la moelle. Et cela ne saurait être nié, les certificats sont là, indiscutables. Elle ne marchait plus, elle ne pouvait plus faire un mouvement sans jeter une plainte, elle en était arrivée à l’épuisement extrême, qui précède de peu les terminaisons fâcheuses… Tout d’un coup, la voici qui se lève, qui marche, qui rit et rayonne. La paralysie a complètement disparu, il ne reste aucune douleur, elle se porte aussi bien que vous et moi… Voyons, messieurs, examinez-la, dites-moi ce qui s’est passé.

Il triomphait. Aucun des médecins ne prit la parole. Deux, sans doute des catholiques pratiquants, avaient approuvé, d’un branle énergique de la tête. Les autres demeuraient immobiles, l’air gêné, peu soucieux de se mettre dans cette histoire. Pourtant, un petit maigre, dont les yeux luisaient derrière les verres de son binocle, finit par se lever, pour voir Marie de plus près. Il lui prit une main, regarda ses pupilles, sembla se préoccuper simplement de l’air de transfiguration où elle baignait. Puis, d’une façon très courtoise, sans vouloir même discuter, il retourna s’asseoir.

— Le cas échappe à la science, voilà tout ce que je constate, conclut victorieusement le docteur Bonamy. J’ajoute que nous n’avons pas ici de convalescence, la santé se