recommandait de ne pas oublier de donner à Pierre un rôle de témoin, dans la narration.
— Mon Dieu ! messieurs, comment vous dire ? s’écria Marie de sa voix haletante, brisée de bonheur. Depuis hier, j’étais certaine d’être guérie. Et, pourtant, tout à l’heure encore, quand des fourmillements m’ont prise dans les jambes, j’ai eu peur que ce ne fût une nouvelle crise, j’ai douté un instant… Alors, les fourmillements se sont arrêtés. Puis, ils ont recommencé, dès que je suis retombée en prière… Oh ! je priais, je priais de toute mon âme ! J’ai fini par m’abandonner comme une enfant. « Sainte Vierge, Notre-Dame de Lourdes, faites de moi ce que vous voudrez… » Les fourmillements ne cessaient plus, il m’a semblé que mon sang bouillonnait, une voix me criait : « Lève-toi ! lève-toi ! » Et j’ai senti le miracle, dans un grand craquement de tous mes os, de toute ma chair, comme si j’étais frappée de la foudre.
Pierre, très pâle, l’écoutait. Beauclair le lui avait bien dit que la guérison viendrait en coup de foudre, lorsque, sous l’influence de l’imagination puissamment surexcitée, il se produirait en elle un réveil soudain de la volonté, depuis si longtemps endormie.
— Ce sont d’abord les jambes que la sainte Vierge a délivrées, continua-t-elle. J’ai eu la sensation très nette que les liens de fer qui les nouaient glissaient le long de ma peau, comme des chaînes brisées… Puis, le poids qui m’étouffait toujours, là, dans le flanc gauche, a remonté ; et j’ai cru que j’allais mourir, tellement il me ravageait. Mais il a dépassé ma poitrine, il a dépassé ma gorge, et je l’ai eu dans la bouche, et je l’ai craché violemment… C’était fini, je n’avais plus mon mal, il s’était envolé.
Elle avait fait le geste lourd de l’oiseau de nuit qui bat des ailes, et elle se tut, en souriant à Pierre, bouleversé. Tout cela, Beauclair l’avait dit à l’avance, en se servant presque des mêmes mots, des mêmes images. De point