Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/413

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’or par son admirable chevelure blonde, qu’une simple dentelle recouvrait. Tout son corps de vierge restait en proie à des secousses profondes, comme si une puissante fermentation l’avait régénéré. D’abord, ce furent les jambes qui se délivrèrent des chaînes qui les nouaient. Puis, tandis qu’elle sentait jaillir d’elle la source de sang, la vie de la femme, de l’épouse et de la mère, elle eut une dernière angoisse, un poids énorme qui lui remontait du ventre dans la gorge. Seulement, cette fois, il ne s’arrêta pas, ne l’étouffa pas, il jaillit de sa bouche ouverte, il s’envola en un cri de sublime joie.

— Je suis guérie !… Je suis guérie !

Alors, ce fut un spectacle extraordinaire. La couverture gisait à ses pieds, elle triomphait, elle avait une face éclatante et superbe. Et son cri de guérison venait de retentir avec une telle ivresse, que la foule entière en restait éperdue. Il n’y avait plus qu’elle, on ne voyait qu’elle, debout, grandie, si radieuse, si divine.

— Je suis guérie !… Je suis guérie !

Pierre, dans la commotion violente qu’il avait reçue au cœur, s’était mis à pleurer. De nouveau, les larmes ruisselaient de tous les yeux. Au milieu des exclamations, des gratitudes, des louanges, un frénétique enthousiasme gagnait de proche en proche, soulevait d’une émotion croissante les milliers de pèlerins qui s’écrasaient pour voir. Des applaudissements se déchaînèrent, une furie d’applaudissements dont le tonnerre roula d’un bout à l’autre de la vallée.

Le père Fourcade agitait les bras, le père Massias put enfin, du haut de la chaire, se faire entendre.

— Dieu nous a visités, mes chers frères, mes chères sœurs… Magnificat anima mea Dominum

Et toutes les voix, les milliers de voix entonnèrent le chant d’adoration et de reconnaissance. La procession se trouvait arrêtée, l’abbé Judaine avait pu gagner la Grotte,