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de clarté qui faisait de toute la procession une splendeur. Enfin, derrière, il n’y avait plus qu’un flot confus de pèlerins, un piétinement de troupeau, des fidèles et des curieux enflammés qui se ruaient, bouchant le sillage de leur vague roulante.

Depuis un instant, le père Massias était remonté dans la chaire ; et, cette fois, il avait imaginé un autre exercice. Après les cris brûlants de foi, d’espérance et d’amour qu’il jetait, il commandait tout à coup l’absolu silence, pour que chacun, les lèvres closes, pût en secret parler à Dieu, pendant deux ou trois minutes. Ce silence instantané, au milieu de la vaste foule, ces minutes de vœux muets, où toutes les âmes ouvraient leur mystère, étaient d’une grandeur saisissante, extraordinaire. La solennité en devenait redoutable, on y entendait passer le vol du désir, l’immense désir de vie. Puis, le père Massias invitait les malades seuls à parler, à supplier Dieu de leur accorder ce qu’ils réclamaient de sa toute-puissance. Alors, c’était une lamentation pitoyable, des centaines de voix chevrotantes et cassées qui s’élevaient, dans un concert de larmes. « Seigneur Jésus, si vous le voulez, vous pouvez me guérir !… Seigneur Jésus, ayez pitié de votre enfant, qui se meurt d’amour !… Seigneur Jésus, faites que je voie, faites que j’entende, faites que je marche ! » Une voix aiguë de petite fille, d’une légèreté et d’une vivacité de flûte, dominait le sanglot universel, répétait au loin : « Sauvez les autres, sauvez les autres, Seigneur Jésus ! » Des larmes coulaient de tous les yeux, ces supplications bouleversaient les cœurs, jetaient les plus durs à la folie de la charité, dans un sublime désordre qui leur aurait fait ouvrir à deux mains leur poitrine, pour donner au prochain leur santé et leur jeunesse. Et le père Massias, sans laisser tomber cet enthousiasme, reprenait ses cris, en fouettait de nouveau la foule délirante ; pendant que le père Fourcade, sur une des