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devant ce maigre visage de douleur qui resplendissait dans l’auréole des beaux cheveux blonds. Des mots de pitié et d’admiration circulaient. Ah ! la pauvre enfant ! n’était-ce pas une cruauté d’être infirme, à cet âge ? Que la sainte Vierge lui fût clémente ! D’autres s’étonnaient, frappés de l’extase où ils la voyaient, de ses yeux si clairs, ouverts sur l’au-delà de son espoir. Elle voyait le ciel, elle serait guérie sûrement. C’était comme un sillage d’émerveillement, de fraternelle charité, que laissait le petit chariot, au travers du flot qu’il fendait avec tant de peine.

Pierre, cependant, se désespérait, et il était à bout de forces, lorsque des brancardiers vinrent à son aide, en s’efforçant de rétablir, pour la procession, un passage, que Berthaud leur avait donné l’ordre de protéger avec des cordes, tenues de deux mètres en deux mètres. Dès lors, il traîna Marie assez librement, il la fit entrer enfin dans l’enceinte réservée, où ils s’arrêtèrent en face de la Grotte, à gauche. On ne pouvait s’y mouvoir, l’entassement semblait y croître de minute en minute. Et ce qu’il garda de la traversée si pénible qu’il venait de faire, les membres brisés, ce fut le sentiment d’un concours de peuple prodigieux, comme s’il s’était trouvé au centre d’un océan, dont il entendait sans relâche les vagues déferler autour de lui.

Depuis l’Hôpital, Marie n’avait pas ouvert les lèvres. Il comprit qu’elle désirait lui parler, il se pencha.

— Et mon père, demanda-t-elle, est-il là ? N’est-il pas revenu de son excursion ?

Il dut lui répondre que M. de Guersaint n’était pas de retour, qu’il s’était sans doute attardé malgré lui. Alors, elle se contenta d’ajouter, avec son sourire :

— Ah ! pauvre père, va-t-il être content, lorsqu’il me retrouvera guérie !

Pierre la regardait, plein d’une admiration émue. Il ne se souvenait pas de l’avoir vue si adorable, dans la destruction