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C’était le bon abbé Judaine qui devait porter le Saint-Sacrement à la procession de quatre heures. Depuis que la sainte Vierge l’avait guéri d’une maladie d’yeux, miracle dont les journaux catholiques retentissaient encore, il était une des gloires de Lourdes ; et on l’y mettait à la première place, on l’y honorait par toutes sortes de prévenances.

À trois heures et demie, il se leva, voulut quitter la Grotte. Mais l’affluence extraordinaire de la foule l’effraya, il craignit d’être en retard, s’il ne parvenait pas à se dégager. Heureusement, une aide lui vint.

— Monsieur le curé, expliqua Berthaud, n’essayez point de passer par le Rosaire, vous resteriez en chemin. Le mieux est de monter par les lacets… Et tenez ! suivez-moi, je marche devant vous.

Il joua des coudes, fendit le flot compact, ouvrant un chemin au prêtre, qui se confondait en remerciements.

— Vous êtes trop aimable… C’est de ma faute. Je me suis oublié… Mais, bon Dieu ! comment allons-nous faire tout à l’heure pour passer, avec la procession ?

Cette procession restait l’inquiétude de Berthaud. Les jours ordinaires, elle déterminait sur son passage une crise folle d’exaltation, qui le forçait à prendre des mesures spéciales. Qu’allait-il arriver, au travers de cette foule entassée de trente mille personnes, fouettée d’une telle fièvre de foi, déjà prête à la divine frénésie ? Aussi,