— Ah ! c’est fini, c’est bien fini, madame ! bégaya-t-elle.
Deux larmes crevèrent de ses paupières lourdes, coulèrent sur ses joues ; tandis que madame Sabathier lui saisissait la main, pour la faire taire. Des chuchotements avaient couru, une inquiétude déjà se propageait. Mais quel parti prendre ? Au milieu d’une telle cohue, pendant les prières, on ne pouvait emporter ce corps, sans courir le risque de produire un effet désastreux. Le mieux était de le laisser là, en attendant un moment favorable. Il ne scandalisait personne, il ne semblait pas plus mort que dix minutes auparavant, et tout le monde pouvait croire que ses yeux de flamme vivaient toujours, dans leur ardent appel à la divine tendresse de la sainte Vierge.
Seules, parmi l’entourage, quelques personnes savaient. Effaré, M. Sabathier avait questionné sa femme d’un petit signe ; et, renseigné par une muette et longue affirmation, il s’était remis sans révolte à prier, pâlissant devant la mystérieuse toute-puissance qui envoyait la mort, lorsqu’on lui demandait la vie. Les Vigneron, extraordinairement intéressés, se penchaient, chuchotaient, comme à la suite d’un accident de la rue, un de ces faits divers que le père, à Paris, rapportait parfois de son bureau et qui occupaient toute la soirée. Madame Jousseur s’était tournée, avait murmuré un simple mot à l’oreille de M. Dieulafay ; puis, ils étaient retombés l’un et l’autre dans la contemplation navrée de leur chère malade ; tandis que l’abbé Judaine, averti par M. Vigneron, s’agenouillait, disait à voix basse, très ému, les prières des morts. N’était-ce point un saint, ce missionnaire, revenu des pays meurtriers avec sa blessure mortelle au flanc, pour mourir là, sous le regard souriant de la sainte Vierge ? Et madame Maze était prise du goût de la mort, résolue à supplier le ciel de la supprimer ainsi, discrètement, s’il ne l’exauçait pas en lui rendant son mari.