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Cette fois, Berthaud eut un geste d’impatience.

— Ah ! dame, je ne puis pas être partout… Fermez la grille un instant, s’il le faut.

Il s’agissait du défilé qu’on organisait dans la Grotte, pendant l’après-midi entière. On laissait entrer les fidèles par la porte de gauche, et ils sortaient par la porte de droite.

— Fermer la grille ! s’écria le baron. Mais ce sera pis, tous viendront s’y écraser !

Justement, Gérard était là, qui s’oubliait à causer un instant avec Raymonde, debout de l’autre côté de la corde, tenant un bol de lait qu’elle portait à une vieille femme paralytique. Et Berthaud commanda au jeune homme de poster deux brancardiers à la porte d’entrée de la grille, avec la consigne de ne plus laisser passer les pèlerins que dix par dix. Puis, quand Gérard eut exécuté cet ordre, et qu’il revint, il retrouva Berthaud avec Raymonde, riant, plaisantant. Elle s’éloigna, les deux cousins la regardèrent, pendant qu’elle faisait boire la paralytique.

— Elle est charmante, et c’est décidé, tu l’épouses, n’est-ce pas ?

— Je ferai ce soir ma demande à la mère. Je compte que tu m’accompagneras.

— Mais sans doute… Tu sais ce que je t’ai dit. Rien n’est plus raisonnable. L’oncle te casera avant six mois.

Une poussée les sépara. Berthaud alla s’assurer par lui-même, à la Grotte, si le défilé, maintenant, s’opérait avec méthode, sans bousculade. C’était, pendant des heures, le même flot ininterrompu de femmes, d’hommes, d’enfants, tous ceux qui voulaient, tous ceux qui passaient, venus du monde entier. Aussi les classes se trouvaient-elles singulièrement mêlées, des mendiants en loques à côté de bourgeois cossus, des paysannes, des dames bien mises, des servantes en cheveux, des fillettes pieds nus, des fillettes pommadées, le front ceint d’un