Page:Zola - Les Trois Villes - Lourdes, 1894.djvu/372

Cette page n’a pas encore été corrigée

la plus rude : cette longue salle étroite, avec ses deux rangées de tables graisseuses, son odeur écœurante de graillon et de misère, lui retournait le cœur. Et elle était montée très vite, profitant de la demi-heure qui lui restait, avant la rentrée des malades. Essoufflée, très rose, les yeux luisants, elle se jeta au cou de sa mère.

— Ah ! maman, quel bonheur !… C’est fait !

Étonnée, la tête pleine et bourdonnante de la direction de sa salle, madame de Jonquière ne comprenait pas.

— Quoi donc, mon enfant ?

Alors, Raymonde baissa la voix ; et, rougissante un peu :

— Mon mariage !

Ce fut le tour de la mère à se réjouir. Une satisfaction vive éclata sur son gras visage de femme mûre, belle et agréable encore. Tout de suite, elle avait revu leur petit logement de la rue Vaneau, où, depuis la mort de son mari, elle élevait si étroitement sa fille, avec les quelques milliers de francs qu’il lui laissait. Le mariage, c’était la vie recommencée, les salons rouverts, la belle situation d’autrefois reconquise.

— Ah ! mon enfant, que je suis contente !

Mais une gêne, brusquement, l’embarrasse. Dieu lui était témoin que, depuis trois ans, elle venait à Lourdes par un besoin de charité, pour la seule grande joie de soigner ses chers malades. Peut-être, dans son dévouement, si elle avait fait son examen de conscience, eût-elle trouvé aussi un peu de sa nature autoritaire, qui lui rendait très doux l’exercice du commandement. Et l’espoir de trouver un mari pour sa fille, parmi les jeunes gens de son monde qui pullulaient à la Grotte, ne serait sincèrement arrivé qu’en dernier. Elle y pensait bien, simplement comme à une chose possible, dont elle ne parlait pas.

Cependant, le bonheur lui arracha un aveu.

— Ah ! mon enfant, la réussite ne m’étonne pas, je l’avais demandée ce matin à la sainte Vierge.