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Elle leva la tête pour le regarder en face, elle se mit à plaisanter, sans embarras aucun. Elle était délicieuse, avec son teint de lis candide, sa bouche petite et gaie, ses adorables yeux bleus qui souriaient toujours. Et on la sentait si fine, si souple, sans plus de poitrine qu’une fillette, toute poussée en innocence et en dévouement.

— Vous m’aimez tant que ça ! pourquoi donc ?

— Pourquoi je vous aime ?… Vous êtes la créature la meilleure, la plus consolante, la plus fraternelle. Vous êtes, jusqu’ici, dans ma vie, le souvenir le plus profond, le plus doux, celui que j’évoque, lorsque j’ai besoin d’être soutenu et encouragé… Vous ne vous souvenez donc pas du mois que nous avons passé tous les deux, dans ma pauvre chambre, lorsque j’ai été si malade, et que vous m’avez si affectueusement soigné ?

— Mais si, mais si !… Même, je n’ai jamais eu de malade si gentil que vous. Tout ce que je vous donnais, vous le preniez ; et, quand je vous bordais, après vous avoir changé de linge, vous ne bougiez pas plus qu’un enfant.

Et elle continuait à le regarder, avec son rire ingénu. Il était très beau, très robuste, le nez un peu fort, les yeux superbes, la bouche rouge, sous les moustaches noires, dans tout l’éclat de sa virile jeunesse. Mais elle semblait simplement heureuse de le voir ainsi devant elle, touché aux larmes.

— Ah ! ma sœur, je serais mort sans vous. C’est de vous avoir qui m’a guéri.

Alors, tandis qu’ils se regardaient avec cette gaieté attendrie, le mois adorable s’évoqua. Ils n’entendaient plus le râle de madame Vêtu, ils ne voyaient plus la salle encombrée de lits, pareille, dans son désordre, à une ambulance improvisée, après une catastrophe publique. C’était en haut d’une maison noire qu’ils se retrouvaient, dans une mansarde étroite du vieux Paris, où l’air et le jour ne leur arrivaient que par une petite fenêtre, ouverte